mercredi 7 décembre 2011

L'Europe pour les gros nuls

L'Europe pour les gros nuls


Il était une fois l'euro, c'était la nouvelle monnaie pour une belle Europe unie avec plein de gens de toutes les couleurs qui se faisaient des bisous. On avait posé aux gens la question de savoir s'il voulaient bien faire l'Europe ensemble, il y en a beaucoup qui avaient dit non, mais, comme le veut une coutume ancestrale, quand on pose une question aux gens, ils votent, on remplit des urnes, après on les jette à l'eau et c'est le plus fort qui gagne. C'est rigolo !

Donc on a fait l'euro et on a dit que chaque monnaie européenne se transformerait en euro, avec un bonus pour que l'euro soit très fort avec des gros muscles partout. Par exemple, en France, il y a un expert des monnaies qui a dit, comme ça : "et si l'euro c'était sept fois le franc, hein ?!". Et tout le monde a trouvé ça très bien, parce que le sept, ça porte bonheur. Mais il y a quand même un type dans l'assemblée qui a dit : "si on fait pile sept, ça va faire trop de bonheur et on doit fuir le bonheur avant qu'il ne se sauve. Il vaut mieux faire 6,54 ou à peu près". Alors là, tout le monde a trouvé ça encore mieux et pof, l'euro était né.

Après, on a organisé la nouvelle économie dans chaque pays. En France, on a fait deux grands groupes : ceux qui gagnaient au moins 6,54 fois plus que les autres. C'est le groupe des leaders. De l'autre côté, il y avait les crétins. Les crétins, c'est les gens qui n'ont pas eu la bonne idée d'être très riches avant l'euro et qui n'ont même pas de quoi acheter des poireaux, alors qu'il faut manger au moins 5 fruits et légumes par jour.

A partir de là, ça se complique un peu. Les leaders et les crétins commencent à se disputer, les crétins disant au leaders que ce sont des crétins et les autres disant que c'est celui qui dit qui y est. A vrai dire, ce passage là est un peu confus, mais l'essentiel est que, globalement, la consommation de fruits et de légumes a diminué. A ce moment là, pour veiller au bon équilibre alimentaire de la population, on a dit qu'on allait mettre des notes. Ceux qui mangent bien 5 fruits et légumes par jour, c'est bon, triple A. Mais les petits crétins qui mangent pas comme il faut, bing, ils ont des mauvaises notes. Les profs étaient sévères mais justes. Monsieur Standard et Monsieur Poors, ainsi que Monsieur Moodys mettaient des notes à tour de bras et disaient que les plus mauvais allaient se faire virer de la prépa., parce qu'on ne rigole pas avec les élites de la nation.

Le plus gros problème était que la production de primeurs devenait surnuméraire et au moment des achats de Noël, tout le monde se mit à se mettre sur la gueule avec les poireaux, les carottes et les tomates invendus. Ça a fait un beau bazar. Heureusement, les élections arrivent au printemps et quelque soit le candidat élu, Standard, Poors ou Moodys, on aura un bon régime diététique.

Bon appétit et vive l'Europe des marchés et des gros légumes.

lundi 24 octobre 2011

LE RUGBY C'EST RIGOLO

LE RUGBY C’EST RIGOLO ®
23 octobre 2011


Bonjour,

C'est Dimanche et nous avons longuement traîné dans notre couette douillette afin de prolonger, dans la chaleur bienfaisante de la plume d'oie, les délices harmonieux d'une nuit étoilée…

Quelle chance. En plus, il y a la finale du rugby et je vois d'ici tous les mââles de la terre grogner de plaisir devant leur télé, en restant confortablement au lit pendant que Madame prépare le café et les croissants. ("… Et pendant que t'y es, chérie, amène le sauciflard et le pinard, c'est pas tous les jours qu'on va niquer ces gonzesses, iark iark !!"). C'est du langage de rugbymen, c'est sportif, vous ne pouvez pas comprendre.

Alors j'explique le jeu : le rugby, c'est un peu comme le foot, en plus campagnard. Là, mon compagnon outré me mettrait bien une tranche de saucisson sur la tête, mais il se contente de me jeter un regard tout noir, all black, plein de commisération.

Donc vous avez un grand terrain plein d'herbe avec des lignes blanches et des buts. Comme c'est un peu rustique, ils ont oublié les filets et juste mis une barre très haute à la place. C'est un peu ballot, au lieu de tirer dans les buts, il faut passer au-dessus. Et il n'y a même pas de goal assis sur la barre transversale !! Ou alors il faut courir très très vite, en serrant très fort le ballon dans ses bras, et bousculer une dizaine de types qui font environ 130 kilos, pour poser gentiment le ballon derrière les buts. Après, comme au foot, tout le monde se saute dessus en s'embrassant partout et en se faisant des guilis.

Encore un détail, ils ne sont pas 11, mais 15 par équipes, parce que la campagne a toujours été plus accueillante que la ville et quand il y a de la place pour 11, il y en a bien pour 15. Le rugby est un sport généreux.

Ce qui est marrant aussi, c'est la carrure des joueurs. Et là, mon compagnon n'ose plus me regarder, on se demande pourquoi.

Dans le foot, ils sont assez mignons, genre Zidane ou Beckam, belle gueule, beaux abdos, belles guiboles, éventuellement un petit tatouage et hop, on les affiche partout.

Dans le rugby, il y a à peu près trois catégories. Primo, la plus sure, la plus habituelle, dite "Chabalienne" : plus t'es gros, plus t'es poilu, plus t'es caverneux, mieux c'est. La seconde, dite "Trinh-Ducienne", plus nuancée : si tu as des beaux muscles ronds partout, avec une petite gueule d'ange et que tu es tout épilé, tu poses en photo tout nu avec le ballon qui masque tes plus beaux talents, et toutes les filles sont folles de toi. (N.B Y'a aussi mes potes Gérald et Patrick, colocs dans la même chambre, qui ont la plus haute estime pour ces magnifiques athlètes). Enfin la catégorie "Dominicienne" : t'es tout petit, et on se demande comment t'es assez cinglé pour aller prendre des baffes avec des types de 2m ?! Mais bon, c'est ton choix, tu es inconscient et héroïque.

Ah oui, un dernier détail : le ballon n'est même pas rond !! Hihi, c'est encore le côté rural de l'affaire, on a pris un vieux ballon ovale... Et là mon compagnon me dit de la fermer.

Voilà, la France a perdu 7 à 8, mais on a bien rigolé.
Bon Dimanche, sous vos applaudissements.


Osée Osa ® 

vendredi 29 juillet 2011

Gregory Hines






Gregory Hines a notamment dansé avec Michail Baryshnikov dans "White Nights"
http://www.wat.tv/video/gregory-hines-mikhail-baryshnikov-3f9vx_2fgqp_.html 

samedi 23 juillet 2011

Pensée grecque

... Et alors l'Euro tomba dans l'eau, près de Mykonos, et tous les poissons et les pêcheurs criaient : "Kalispera !! Kalispera !!", ce qui signifie à peu près : "Mon Dieu qu'allons-nous faire avec toutes ces histoires de blé à la noix, nous sommes un peu désespérés...". Et il y avait en fond la musique de Zorba-le-Grec, pour  faire couleur locale. Et là, incroyable, que vit-on arriver, sur un jet ski chromé, avec des Ray-Ban et un maillot Ralph Lauren, restons simple, oui !!... Nikola Sarko-Kiptiki, le grand chevalier franco-grec !! Les poissons et les pêcheurs lui firent une haie d'honneur et une magnifique "Olà", qui retentit dans toute la Méditerranée. Carlita Zyli-Kiptiki, telle une madone dans sa robe de grossesse Dior sur mesure en taffetas de soie mauve lilas avec ruban d'organza prune clair assorti, restons simple, se pâmait en regardant son héros. "Mon héros", dit-elle. Alors Nikola attrapa l'Euro par les pieds, - ben oui, y savait pas nager, l'Euro - et regarda la Grèce droit dans les yeux. "California pik-pik !", dit-il d'un air déterminé. Ce qui signifie à peu près : "t'inquiète pas la Grèce, j'ai encore des banques qui peuvent s'en mettre plein les fouilles avec ta dette qu'on l'a faite nous-mêmes avec mon pote Pinault, alors be cool". Nikola avait l'art du mot juste. Et c'est dans la liesse générale et sous le regard ému de la petite Angela Merkel que Nikola salua les indigènes. Vive la France ! Youpi-kiptiki.

mardi 19 juillet 2011

Hyper Tango / Conte hyperréaliste

Hyper Tango


C’était la fête. Il y avait des petites affiches rouges à l’entrée de l’établissement : « Tango-chow-show ». L’affiche était proprette, un papier rouge corail soigneusement collé sur des panonceaux en carton 13X18, avec une petite flèche indiquant la direction. C’était net.

Il suffisait donc de suivre le chemin habituel, parsemé de petits panneaux rouges, pour se retrouver dans la même salle, le « grand hall » des réceptions. La pièce était effectivement grande, avec un certain potentiel en termes de réunions et raouts polyvalents, et puis de larges baies vitrées donnant sur le jardin. Le programme initial était de décorer les arbres avec des petits lampions, de mettre des nappes blanches avec des serviettes en papier rouges, pour reprendre le thème du tango, bien sûr. Le personnel pouvait aussi mettre des petits bonnets en papier crêpon assorti, rouge, mais il n’y avait que du papier vert chez Bricolex et, de toute façon c’était trop compliqué. En plus, il ne faisait pas très beau, alors on avait finalement installé tout comme d’habitude et puis zut.

Ils étaient presque tous là, soigneusement installés devant leurs assiettes, sans décorations et sans bruit. J’avais l’impression d’entrer dans une retraite de séminaristes provisoires. J’avais mis une robe avec de grandes fleurs rouges et bleues, enfin des teintes discrètes, tout de même, pour ne pas en rajouter. J’étais prête à taper dans mes mains, pousser la chansonnette ou même faire le kangourou australien sur la piste de danse, histoire de mettre un peu de bonne humeur et d’énergie dans cette affaire. Lorsque j’entrais, il me vint à l’esprit que l’ambiance ne se prêtait pas trop à ce genre de fantaisies. Je me contentais de saluer quelques têtes connues d’un air joyeux et parfaitement hypocrite et puis je m’asseyais vaguement à table, en grommelant quelques bêtises pour distraire mes voisins.

C’était déjà le dessert : une coupe de glace pêche-sorbet, avec de vrais morceaux de fruits et aussi vanille-caramel, sans morceaux de caramel, mais avec une pointe de Chantilly habilement glissée sur le côté. C’était très bon, mais il manquait les petites tuiles aux amandes et le café était mou. Tanpis. Tout le monde lapait sa glace avec application et avec plaisir.

« Très bien », me dis-je. « Mais quid du tango ? ». J’imaginais déjà ma voisine transportée dans les bras solides d’un hidalgo renversant, jouant de la prunelle et de la gambette au son du bandonéon… Je voulais voir des frous-frous de jupes et de talons aiguilles, des chaussures cirées effleurant le parquet et des dames aux cheveux noirs se cambrant dans des poses admirables. Rien de tout cela. Il n’y avait pas plus de tango que de café dans cette foutue baraque et j’avais trouvé un sujet de protestation que je n’allais pas lâcher.

En y regardant de plus près, il y avait bien un jeune blondinet au regard un peu fixe et à la démarche savante. Il portait un mélange étrange de chemises et de costume souples, choisis au hasard ou bien subtilement dépareillés… Les chaussures bicolores, par contre, étaient du meilleur goût, en tout cas suffisamment voyantes pour lui donner un petit air artiste. Il ressemblait vaguement à Stéphane Bern et à Tintin, ce devait être un gentil garçon.

Ses regards circulaires et sérieux confirmèrent sa position éminente : c’était le Directeur de la Compagnie Chow-Show. Passionné de tango et amoureux transi de sa cousine argentine, il avait méthodiquement exploré cet art chorégraphique. Les piqués-tendus, les pointés-ronds de jambes, les balancés-plongés avec rotation de tête inverse, ainsi que les portés-jetés audacieux de sa cavalière n’avaient plus beaucoup de secrets pour lui. Pour l’instant, il avançait concentré, passant d’une table à l’autre, reculant les fauteuils, tirant les chaises, plaçant sa caméra et souriant d’un air absent sans regarder personne.

Pendant ce temps, les membres de la Compagnie Chow-Show, de charmants sexagénaires réunis par paires mixtes, un monsieur avec une dame, attendaient nonchalamment assis sur le bord de la scène. La musique tournait déjà en fond sonore, pas désagréable, mais les danseurs n’avaient reçu aucun signal. Ils étaient pourtant bien habillés. Yvette avait mis son coordonné plissé vert d’eau, avec des panchera, les escarpins traditionnels. Pour s’accorder au  vert, ils étaient de couleur mauve pâle, et gansés d’argent. Nadia, très maigre, s’était gainée de noir, avec un collant bien opaque et un pantalon bouffant ocre, qui lui façonnait une sorte de silhouette d’inspiration slave, - ce qui n’avait pas grand rapport avec le tango -. Quant à Christelle, qui avait des yeux verts magnifiques, son haut translucide et sa jupe imprimée un peu trop fendue étaient dans des camaïeus de bleu roi. Elle était belle.

Les hommes aussi avaient des arguments. Roger était grand, avec une chemise à carreaux jaune pâle et des pancheros beiges. Patrick, avec sa moustache à bords ondulés et son costume trois-pièces impeccable, avait un sourire coquin et charmant. Et Pablo, l’oncle de la cousine argentine, avait simplement un complet bleu gris parfait, avec une cravate satinée à peine ombrée de mauve. Son visage rasé de frais était grave et expressif.

Après une attente aussi longue qu’inutile, car ils auraient tout de même pu esquisser quelques pas informels, - alors que je piaffais d’impatience coincée sur ma chaise -, ils se mirent enfin à danser. Ils étaient plutôt touchants, émouvants, même, et il ne manquait qu’un grain de folie, une audace imprévue, un petit accident pour que la représentation devienne vivante et forte. Le charme, il y en avait un peu… Mais la troupe était timide, trop studieuse. Chaque pas était exécuté avec application et prudence, on sentait les heures de travail accumulées pour avoir la posture idéale, pour ne pas trébucher, pour ne pas se tromper, enfin pour être fidèle au Tango Chow-Show.

C’était dommage. J’attendais une occasion de semer la pagaille dans ces rotations languissantes et bien ordonnées. Mais tout était prévu : j’avais oublié Tintin et sa cousine.

Au bout d’un quart d’heure d’ « ouvertures », de duos alternés pour chauffer la salle, la musique devint plus brillante. On sentait l’évènement. Tintin empoigna sa partenaire d’une main experte et ces deux-là se mirent à virevolter seuls en scène, pendant que toute l’assistance les contemplaient bêtement. Le couple tanguait, leurs regards perdus, puis extatiques, leurs poses vaguement lascives et leurs sourires niais en disaient long sur leur amour fou et probablement platonique. Ils dansaient et c’était tout. En attendant, on s’ennuyait ferme.

Nous eûmes droit à trois solos du couple-vedette. Puis ce fut le final, Christelle était avec Pablo et ces deux-là exprimaient quelque chose de chaleureux, quelque chose que tout le monde n’avait pas. J’applaudissais à tout rompre, avec l’ensemble de la salle, rien que pour eux, qui avaient du cœur et qui semblaient heureux.

Il était tard. Je décidais courageusement de m’enfuir, avec Tante Églantine et une amie plutôt patiente, qui semblait finalement moins énervée que moi. Pas de chance, Tintin nous barrait le passage en souriant de toutes ses dents. Nous nous sentîmes obligé de lui faire des compliments malgré notre fatigue. Il sourit encore plus fort, flatté sans doute et insista pour m’inviter à danser. J’essayais de lui résister avec des petits « Oh ! » et « Ah ! » parfaitement ridicules. Évidemment, Églantine et quelques collègues enthousiastes finirent par s’emballer et m’ordonnèrent de suivre Tintin : « Isa-belle, Isa-belle ! », scandaient-elles avec conviction. Je ne m’appelle pas « Isabelle », mais tout le monde s’en foutait et j’étais cuite. Je n’avais plus qu’à danser avec le bonhomme.

Tintin m’entraîna sur la piste dans une succession de petits pas secs et précis. Je n’y connaissais rien et mes sandales compensées faisaient un « clouc » suspect à chaque pirouette sur les dalles violines. Il me tenait bien, cet animal. Il me fit tournoyer, avancer, reculer, je dus également me pencher en avant, puis en arrière. Ces acrobaties m’inquiétaient particulièrement : ma robe à fleurs n’était pas faite pour le tango. Elle montait ou descendait bien trop haut ou bien trop vite, et j’étais dans une position plutôt embarrassante. Enfin, après de longues minutes, la cousine vint fixer Tintin avec une expression lourde de sens. Il avait intérêt à me lâcher vite s’il ne voulait pas recevoir une claque en public. La cousine me sauva en récupérant son homme.

Je remerciais mon cavalier avec des petites courbettes et des signes de la main. Mais il était déjà repris dans son tango très personnel, et je partis enfin avec Églantine et ma copine compréhensive, qui riaient encore dans l’ascenseur. Ce fut une drôle de journée que celle du Tango de la Compagnie Chow-Show.

jeudi 31 mars 2011

Vrai faux haiku

Pour l'expertise des centrales nucléaires ordonnée par notre grand Nicoshima, écoutez la chronique de Ben (France Inter, 31.03.11, 8h55). Il décrit notamment comment reconvertir les chômeurs dans le secteur prometteur de la sûreté nucléaire. On les met pour de vrai dans de faux avions terroristes pour voir ce qui se passe quand ils tombent pour faire semblant en vrai, sur de vraies centrales. Grâce au faux ça fait plus vrai, pas vrai ? De toutes façons Nicoshima Fumusaky a l'art d'être un vrai faux Président, avec une femme pour de faux, retaillée en vrai avec du faux pour essayer d'enlever tous ses défauts. Mais à mon avis, c'est raté. Ça fait faux. En tous cas on nous prend pour de vrais cons - et non pas pour des faux cons, ce qui n'aurait pas de sens -. Quoique...

jeudi 17 février 2011

Grand Prince - Croquis

Osa ®
Ceci est mon prince. Certes, il n'est pas encore sur l'écran, mais 
c'est un escargot. Il fait ce qu'il peut. 
C'est mon escargot et puis voilà.



 

Le Submergé / Conte aquatique


C’est l’histoire d’un homme qui vit sous l’eau. Cela semble difficile, bien sûr, mais le commun des mortels ignore que dans certains pays, les hommes vivent sous l’eau. Certes, ce n’est pas facile tous les jours ! On ne sait pas si ces phénomènes retiennent leur respiration, cachent une petite paille qu’ils portent discrètement à la surface, ou trouvent des poches d’air pour s’oxygéner. Cela reste assez mystérieux, mais c’est ainsi.

Il faut dire que les hommes sont bizarres : certains surnagent, d’autres flottent, certains partent à la dérive, ce qui est toujours mieux que de couler. Mais celui-là restait entre deux eaux, simplement submergé.

Un jour il y eut une tempête. Elle était sans doute plus forte que les autres et provoqua des remous jusque sous l’eau. Il semblait que tous les éléments s’étaient ligués pour agiter le monde et le submergé perdait l’équilibre. C’était curieux, pour un homme habitué aux eaux troubles. Était-ce un courant, un coup de vent, un réflexe, une vague ? Le submergé fût poussé vers la surface par une force invisible. Il se trouva soudain sur un rocher, agréablement chauffé par le soleil.

Il n’était pas au bout de ses surprises. Il y avait, sur le rocher avoisinant, une petite sirène agile qui avait enlevé le haut de son maillot : mais oui ! Les hommes, ignorants qu’ils sont de la vie aquatique, croient naïvement que les sirènes ont une queue de poisson. Et puis quoi encore ?

La sirène porte un petit boxer short en lycra plongé, tenue parfaite pour tous les sports. Et là, elle avait décidé de bronzer, c’était bon pour ses nerfs et pour son teint. Halée et détendue, elle était toute jolie.

Le submergé était abasourdi. Il ne perdit cependant pas le Nord et se dit que, tant qu’à faire, il allait causer avec cette charmante créature. Ils se mirent à bronzer ensemble, dégustèrent des fruits, burent un peu de champagne. La vie était belle car ils étaient en vacances.

Ils ne faisaient presque rien et c’était très bien. Mais quand le soleil commença à baisser, à cause du changement immuable des saisons, ce fut un peu moins facile. La tempête s’était calmée, l’eau avait repris son cours. Le téléphone du submergé sonnait de plus en plus souvent pour lui ordonner de reprendre son poste. Il dit vaguement à la sirène qu’il fallait qu’il y retourne et plouf, un jour, il se laissa glisser sous l’eau.

La sirène était embêtée. Elle trouvait le submergé émergé drôlement sympathique. En même temps, elle n’était pas du genre à faire des histoires et ce n’était pas le moment. Elle aurait voulu montrer les coquillages, la musique et les petits gâteaux, toutes les douceurs terrestres et sa collection de boxers shorts, qui lui allait plutôt bien. Mais le submergé était habitué à vivre sous l’eau. Il y avait des tas de gros poissons qui l’attendaient. Il y avait aussi quelques sirènes, mais celles-là n’enlevaient pas leur maillot, en tout cas pas avec l’élégance délicate de la sirène terrestre.

Le submergé était très troublé. Il pensait à l’air libre, à la lumière, à tout ce temps passé à rêver et à dorer…

La sirène décida de continuer son chemin pour devenir, si possible, la plus jolie et la plus drôle des sirènes, avec une belle maison et un jardin. Car la sirène de la Terre aimait les jardins. Elle adorait les arbres et les fleurs et souhaitait inviter ses amis et le submergé s’il émergeait un jour.

Personne ne savait ce qui pouvait arriver. On n’est pas maître des éléments. Elle se remit au travail avec acharnement. De temps en temps, elle envoyait une petite fleur, une petite émeraude, la pierre ovale de la sérénité ou une photo de maillot - qui peut calmer aussi -. Elle envoya même un masque et un tuba, en poste restante, au cas où.

Entre les eaux et la Terre, il faut garder espoir et faire confiance au vent, aux courants, au soleil et aux mystères de la vie des hommes.
 
Osa ®  2006-2011

Mes Deux Seins - Croquis fou

Ceci est mon escargot neurasthénique.

mardi 15 février 2011

Joue contre joue - Croquis doux

Ceci est mon escargot.

Lettre à Dédé / chronique télé

(TF1, 12 02 11, « Danse avec les stars » en prime time)


Cher Dédé, Monsieur Manoukian,


Je dois me confesser, une fois de plus et je le fais bien volontiers auprès de vous, car le mot : « confesser » pourrait vous inspirer des réflexions philosopho-ésotériques de qualité, et qui constituent une part de votre charme animal.

J’ai regardé une émission inavouable, au hasard sur TF1, « Danse avec les stars », un divertimento du Samedi soir, dans lequel vous vous êtes brillamment illustré. Ne soyez pas modeste, je vous ai vu. C'est une sorte de télé-crochet dansant pour VIP... On nous l'avait annoncé avec des teasings ravageurs, comme on nous annonce, sur France 2, les téléfilms historiques et hystériques avec Anne Parillaud. C’est dire si c’était prometteur.

En plus, j’étais en retard parce que ma copine Laetitia m’avait encore embêtée, elle n’avait rien fait à part ce qu’elle fait d’habitude, c’est-à-dire rien, justement, mais ce soir-là, ça m’énervait. J’avais besoin de m’énerver contre quelqu’un et puis est-ce que je me mêle de votre vie privée, sans blague...

J’étais donc en retard et j’ai essayé sans succès de mettre en route ma fonction TV sur mon téléphone portable, qui n’est même pas un smartphone. Quand vous allez dans un SAV de téléphonie avec cet objet dans les mains, on vous regarde avec un air de profonde commisération. J’ai finalement réussi à trouver l’image en HD sur l’écran minuscule, mais c’était trop tard, j’étais déjà chez moi et devant ma télé. C’est bête, la vie.

Je suis arrivée au moment où la grande Marthe Mercadier, actrice, 82 ans, expliquait, extatique, qu’elle était pleine d’énergie et bien vivante, après quelques images sympathiques de répétitions avec un jeune partenaire tout acquis à sa cause. Marthe entrait en scène en direct, en mini-robe lamée or et bords à fanfreluches - et ce n’est que la stricte vérité -, maquillée comme une panthère (la panthère, c’est comme une voiture volée : elle a l’art du camouflage). La musique était pleine d'à propos : "Lady Gaga" (sic?), ce qui donnait à peu près : « aen-aen hen hen heiinn, aen aen-hen hen heiinn… ». (N.B Pour la mélodie, prenez trois notes au hasard sur le Clavinova de vos enfants). Mademoiselle Mercadier se lançait dans une chorégraphie, pardon, une "choré." formidable, où son « gigolino » faisait les 3/4 du boulot.

Soyons honnêtes : c’était loin d’être nul, d’abord parce que la dame faisait preuve d’une vitalité ébouriffante, avec montée de gambette finale qui m'a laissée toute émue. (Voir photo illustrant l'article de Véronique Groussard, "Mémé est épatante", p. 20 du "TéléObs" du 16 au 22/07/11). Et puis le côté baroque de l’affaire a retenu mon attention.

Vous avez été bien courageux de tenir toute l'émission, Monsieur Manoukian. Certes, vous n'avez tenu qu'une émission, mais ce n'est pas la quantité qui compte... Quand on aime, on ne compte pas... 


Parmi les épreuves que vous avez stoïquement traversé, il y avait d'abord celle de l'animateur, un beau gosse chic prénommé Vincent Cerruti. Il ressemblait à un mélange chirurgical d’Olivier Minne avant les stéroïdes anabolisants, avec un zeste de Sacha Distel (paix à son âme), maquillé et coiffé comme une panthère, lui aussi, mais en moche. Il y avait également Sandrine Quétier. La vie est cruelle, parfois... Ensuite, il y avait des « proches » dans le public, les "petites filles" de l’actrice : deux jeunes femmes normales et sympathiques, dont on lisait l’angoisse bien compréhensible sur le visage. Enfin, le jury, avec une pouffe pigeonnante en robe blanche « Marylin ». J’ai finalement reconnu, avec une pointe de désespoir, Alessandra Martinez, l’une des 20 ex-femmes de Claude Lellouch, ce qui me fait penser que Lellouch les abîme soit pendant leur vie de couple, soit au moment de la rupture, mais en tout cas, il les abîme vraiment beaucoup. À côté d’Alessandra Marti-Pouffe, il y avait un canadien avec une horrible voix de fausset qui criait tellement fort que Frankenstein, le présentateur, lui fit remarquer au milieu de l’émission qu’il fallait baisser d’un ton. Je vous laisse imaginer la régie dans l’oreillette : « rhhààa, Coco, dit à ce crétin d’arrêter de hurler, on peut plus régler le son, merdre !! ». Enfin le troisième membre du jury était un chorégraphe hispanisant et pittoresque, assez bigarré lui aussi, mais ça passait bien à côté des deux autres.

On a eu droit à des « stars » formidables, comme Bigard (bonjour, tristesse), M. Pokora, Adriana Karembeu, qui danse comme un mannequin, Sophia Essaïdi, qui danse comme une danseuse, David Ginola, qui danse comme un footballeur et Rossy de Palma, qui ne danse pas vraiment... Tout ce monde était accompagné de professionnels aguerris, champions de concours latino, autant dire très doués, mais également très portés sur les balancements de croupes et déhanchés du meilleur goût. Je mentionne tout de même le cavalier de Rossy de Palma, un petit gars pétillant et plein de charme, qui relevait le niveau général.

Et puis il y avait vous, Dédé, tout pataud, tout inquiet, tout intimidé et ça, mon coquin, c’est un truc infaillible pour attirer les femmes. Vous étiez moulé dans un pantalon à pince avec gilet ajusté, équipé de talonnettes qui me font penser que l’on vous en veut terriblement, à TF1. Avec la choré. qu’on vous a collé, vous aviez le charme d’un Demis Roussos anorexique, l’aisance d’un bonobo dans un raout mondain et le rythme fou de Maurice, quand il danse au bal à Lille après sa huitième bière.

Mon Dédé, j’ai adoré votre prestation - et je ne plaisante pas -. Il y avait, dans cette incertitude, dans cette hésitation et dans ces efforts appliqués une qualité, une poésie, une promesse d’émotion que je n’ai pas vue chez d’autres candidats ; un tout petit peu chez David Ginola, qui vous a battu sur le fil, tout ça parce qu’il a de beaux yeux (tu sais) et un petit air conquérant et joyeux qui me fait penser au copain de ma copine Clémentine, qui est une fille très bien.
 

Monsieur Manoukian, il est des concours qu'il vaut mieux perdre... Jusque-là, je me méfiais de votre réputation de tombeur de jeunes filles en fleur, mais maintenant, avec vos jolies défaillances, je commence à vous trouver très sympathique.


Osée Osa ®
14 février 2011

Le Grand Nigos / Conte téléréaliste


Je n’aurais jamais dû aller à la finale du Grand Nigos. Le Grand Nigos est un jeu télévisé, version moderne des chaises musicales. On met de la musique, avec un orchestre symphonique et des danseurs habillés en combinettes moulantes et pailletées. Tous les candidats virevoltent autour des chaises pendant que le Grand Nigos fait le bateleur en hurlant des banalités pour faire monter le suspense. Quand l’orchestre s’arrête, paf, tout le monde s’assoit, sauf le grand ou la grande nigaude qui n’a pas trouvé de place et qui est donc éliminé. Le jeu dure longtemps car il y a une quinzaine de candidats au départ et chaque émission dure presque trois heures, avec toutes les promos nationales et internationales du moment. L’orchestre symphonique joue aussi parfois de vieux trucs poussifs, des valses lentes et des rumbas alanguies, c’est encore plus dur pour les candidats qui n’ont pas vocation à danser et qui ondulent mollement autour des chaises. Le public a pour mission de crier le plus fort possible pour mettre de l’ambiance et ce n’est pas facile. C’est l’émission la plus courue du PAF hertzien et moi, comme une andouille, je m’étais promis d’y assister, car je trouvais que l’animateur du Grand Nigos était assez joli garçon.

C’est un Hongrois brésilien passablement télégénique, qui parle plusieurs langues et s’habille en Berlutti. A part ça, pas grand-chose, mais j’avais récupéré par hasard son numéro de téléphone et cela m’aidait bien les jours de spleen. Je lui envoyais des petits messages idiots auxquels il répondait toujours très gentiment. Évidemment, c’était le plus souvent un assistant qui répondait aux dizaines de messages aussi complaisants que le mien, mais c’était parfois Nigos lui-même et cela me faisait du bien de penser qu’un homme célèbre s’intéressait à moi.

Pour tout dire, j’avais eu son numéro grâce à Henriette, la magnétiseuse de ma mère. Un jour de pluie, gris et orageux, Henriette avait hurlé de rire et de joie lorsque je lui avais avoué, dans un moment d’égarement et d’exaltation circonstancielle mon admiration pour le Grand Nigos. Henriette était fan, elle aussi et trouvait que le Grand Nigos portait merveilleusement le costume, ce qui en ferait un mari idéal. Elle était hélas déjà marié à un médecin auvergnat charmant, mais un peu dépressif et devait se contenter de croiser le Nigos dans les salons feutrés des cercles hongrois parisiens. Lorsqu’elle me vit bondir comme une gazelle autour de la table de la salle à manger, elle me donna le téléphone du Nigos et je bondis de plus belle.

Il faut dire qu’il y avait une crise. Ma mère avait confondu le jour et la nuit, avait mis ses chaussures dans le frigo et réveillé tout l’immeuble à trois heures du matin en poussant à fond sa télé sur une chaîne espagnole, dansant un flamenco endiablé sur le rebord de son balcon jusqu’à ce que chute de pot de fleurs s’ensuive. Les pots de fleurs n’étaient pas tombés de très haut, 82 cm exactement, car ma mère habite au rez-de-chaussée. Par contre, les voisins étaient furieux, ma mère s’était fait un tour de rein et avait insulté tous les pompiers lorsqu’ils étaient venu à son secours. Un vrai scandale. Nous prenions donc du thé et des gâteaux avec Henriette pour nous remettre de nos émotions. Ma mère partait à l’hôpital, à cause des chaussures dans le frigo et j’étais triste. C’est dans ces moments de relâchement que l’on commet une erreur et j’ai accepté avec enthousiasme le téléphone du Grand Nigos.

Vous êtes en train de vous demander si le Grand Nigos est le nom de l’émission de télé ou de son animateur. En fait, il s’appelait Roger Chopchick, Chopchick signifiant «tailleur pour dames» ; mais il tenait l’émission depuis un nombre d’années considérables, en tirait des revenus substantiels ainsi qu’une réputation consternante et son nom s’était confondu avec elle. On regardait le Grand Nigos animer le Grand Nigos et puis voilà.

J’étais donc invitée à la finale, après trois mois de compétition interminable où de jeunes gens post-pubères s’étaient épuisés à tourner indéfiniment autour de leurs foutues chaises, moins une à chaque fois. Il y avait une coutume assez horrible selon laquelle, lorsque l’un des impétrants était éliminé, la foule le huait copieusement en se donnant de grandes claques sur les fesses et les cuisses, tout en rigolant bruyamment. C’était l’usage. Le Grand Nigos faisait alors sa célèbre « tourniquette » (trois rotations rapides sur lui-même), puis prenait un air solennel et réprobateur et calmait le public avec de bonnes paroles. Tout le monde faisait amende honorable, le perdant pleurait très fort, pour que ce soit émouvant et puis ses camarades l’étreignaient et chantaient pour saluer son départ. L’idée de devoir me taper sur les fesses en riant m’attirait moyennement et je commençais à regretter mon élan télévisuel.

Mais il était hors de question de vexer Henriette, magnétiseuse un peu fantasque mais plutôt sympathique. Elle s’était donné du mal pour avoir les places et puis elle était assez fière de me montrer qu’elle avait ses entrées auprès du Nigos. Malgré la longueur de l’émission, beaucoup de gens voulaient y assister, dans l’espoir hypocrite d’être vu à la télé. Les places étaient chères et j’étais coincée. Je reçus le carton d’invitation le jour même, il y avait marqué : « tenue de soirée exigée ». C’était embêtant. Qu’allais-je donc pouvoir mettre pour circuler facilement, ne pas être grotesque et montrer tout de même mes jambes, au cas où je pourrais saluer le Grand Nigos ? Après quelques essayages, j’optais pour un mini-paletot noir qui faisait robe, sur une légère tunique violine près du corps, discrète et de bon goût, avec un petit nœud coquin sur le décolleté, dont tout le monde se foutait royalement. J’ajoutais des collants gris bronze, censés mettre en valeur mes jambes (de gazelle), mais j’avais surtout du mal à trouver la position idoine, assise ou debout, car mon mini-paletot s’ouvrait un peu trop. Bref, j’ai pris froid en attendant les hôtesses et j’ai eu trop chaud sur le plateau. Mais j’étais toute contente de porter mon badge en plastique « loge du Nigos ». Cela me permettait, en principe, de me faufiler partout, de boire du champagne et de croiser toutes les vedettes locales de la soirée. Une aubaine.

L’émission commença à l’heure car c’était du direct, baigné du stress des techniciens et des chefs de plateau débordés. Tout le monde s’agitait en tout sens, le public courait dans les travées en s’arrachant des T-Shirts aux effigies des deux derniers candidats, c’était un foutoir complet. Le chauffeur de salle faisait des grands signes pour lancer les applaudissements et malgré le hululement infernal qui envahissait la salle, cela ne lui suffisait jamais. La mise en scène était simple : il y avait une grande chaise dorée et couverte de faux strass au centre du plateau. Le grand Nigos avait mis une sorte de turban argenté avec une aigrette, pour marquer le coup et faire un signe amical aux notables de la ville. On avait rajouté des choristes à l’orchestre pour faire encore plus de bruit et les candidats avaient dix tableaux éliminatoires, du heavy-metal à revue égyptienne, en passant par l’incontournable reprise de : « Ne Me Quitte Pas », que l’on chantait en latin à chaque finale.

J’étais disciplinée. Pour faire honneur à Henriette, je me levais avant chaque chanson et applaudissais à tout rompre en me dandinant avec enthousiasme. J’ai tenu les deux premières heures ; sur la fin, j’étais un peu déshydratée et je m’étais rendu compte que les cadreurs ne filmaient que les deux premiers rangs. Le badge du Nigos nous avait tout juste permis de nous caser au bord du douxième gradin et encore, en trichant un peu.

La jolie candidate blonde, triste et fade, perdit largement. Le gagnant brandit le trophée et posa pour les photographes, tout le monde s’étreignit devant les caméras et se pinça les fesses en grognant de satisfaction. Le plus important restait à faire : me faire repérer par le Nigos ou par tout autre individu un tant soit peu important. Henriette fatiguait, elle en avait vu d’autres. Elle savait qu’il ne se passait rien dans les loges et avait hâte de rentrer pour prendre de l’aspirine. Mais j’insistais lourdement et les vigiles blasés nous laissèrent passer sans mot dire.

Au premier étage, il n’y avait qu’un long couloir gris et sale, éclairé au néon. Les loges étaient remplies de kleenex et de vieux sushis. Des « people » anonymes, affalés le long du mur, en jogging et en vieux pulls discutaient tranquillement. Lorsque Henriette s’avança dignement pour trouver la loge du Nigos, qui était dans l’autre sens, la directrice de production de la chaîne lui barra le passage avec un air de mépris achevé.

Nous entrâmes finalement dans la loge. Tous les amis étaient là, trois à quatre personnes en comptant les conjoints, avec quelques assistants oisifs qui baillaient en fumant. Le champagne était tiède et aigrelet. L’entreprise devenait hasardeuse et Henriette me fusillait du regard en mimant furieusement le mot : « taxi », pour signifier l’heure du départ. Je la suppliais bêtement. Je voulais au moins voir le Nigos.

Il finit par arriver, tardivement. Son premier geste fut d’enlever sa chemise, dévoilant un bout de torse convenablement velu, mais pas très excitant. Il serra d’un air viril et décontracté quelques mains tendues puis lança la musique, du folklore régional que tout le monde accueillit avec des : « ay you ki, gen-til you ki !! » vigoureux, que l’on doit rythmer en claquant des doigts. Je commençais à me sentir très seule. Henriette tirait très fort sur la manche de ma tunique pour m’obliger à sortir. J’eus tout juste le temps d’embrasser Nigos, qui me reconnut à cause de mes petits messages drôles et subtils. Il s’attarda un instant sur mes jambes d’un air désabusé avant de retourner danser. C’était cuit, je n’avais plus qu’à filer, et en vitesse.

Henriette, excédée, avait sauté dans un taxi sans m’attendre. J’errais quelques minutes dans les couloirs, histoire de voir et d’être vue peut-être, avant de rentrer me coucher. Je croisais la responsable des décors, beaucoup plus belle qu’à l’écran, avec son grand chignon gris et ses pommettes délicates. Le premier chorégraphe discutait d’un air grave avec le professeur de théâtre, qui tirait nerveusement sur un cigarillo éteint. Quant à la perdante, que l’on surnommait « Ophélie » à cause de son sourire inquiétant, elle errait en costume de scène, pieds nus, échevelée, dans l’indifférence générale. Il était temps de m’enfuir.

Je n’arrivais plus à trouver un taxi, mais un couple de producteurs californiens, venu négocier la prochaine saison de l’émission, accepta de m’emmener dans leur énorme BMW grise métallisée. Ils échangèrent quelques mots vifs au début du trajet, Madame reprochait à Monsieur de lui imposer des soirées : « in that stupid little messy place » et puis plus rien, un silence lourd malgré mes tentatives bilingues pleines d’espoirs et de bonnes intentions. Ils me laissèrent au centre de Paris où j’attrapais, transie et échevelée comme Ophélie, le dernier métro.



Osée Osa ® - 2009